Le cerveau entérique : Un retour au corps

Les processus décisionnels naissent dans des zones infra-conscientes du cerveau directement ramifiées au corps.  Mais quelles sont les hypothèses explicatives les plus robustes pour rendre compte de ces phénomènes ? Parmi elles, le modèle central proposé par  Damasio.

Pour ce scientifique à la reconnaissance académique immense dont le  modèle émerge de multiples études croisées, des bactéries monocellulaires ont d’abord donné naissance à des organismes pluricellulaires. Certaines de ses bactéries, à partir de neurones présents dans les intestins, adressent des messages en direction des neurones du cerveau. Le milieu scientifique parle aujourd’hui  d’un “cerveau entérique” pour qualifier cette activité  de micro-organismes susceptibles d’influencer notre communication en envoyant leurs messages à destination du psychisme depuis les intestins.

Antonio Damasio  décrit :  « Lorsqu’un être vivant se comporte intelligemment et avec assurance en société, nous partons du principe que ce comportement résulte à la fois d’une capacité d’anticipation et de réflexion, et de mécanismes complexes, et que cette capacité et ces mécanismes s’appuient sur le système nerveux. Or, il apparaît désormais clairement que de tels comportements auraient pu naître chez de simples cellules isolées (bactéries) dès l’aube de la biosphère. C’est là un des faits les plus étranges, et le mot est faible » 1.

Or qu’est-ce que la communication pour une bactérie  dont l’enveloppe n’est composée d’une seule cellule qui ne possède pas même de noyau ? Au départ il est difficile d’envisager une bien grande communication. Et pourtant…

Les bactéries, pour survivre, mettent en œuvre ce qu’il est convenu d’appeler des stratégies de coopération. Elles mènent des existences plutôt solitaires, mais, si le terrain est pauvre en substances nutritives, elles s’agglutinent, forment des groupes et développent une forme de solidarité pour trouver les matières organiques nécessaires à leur survie. Plus curieux encore, si elles repèrent parmi elles des dissidentes qui ne coopèrent pas, elles éviteront dans le futur ces bactéries réfractaires ! Très loin d’être placides, elles sont capables de s’affronter entre elles pour leur subsistance et font des alliances avec des bactéries qui partagent les mêmes buts.

Une perspective sérieuse propose d’envisager l’être humain comme un holobionte, c’est-à-dire un écosystème complexe composé de son propre organisme, et d’une multitude de micro-organismes symbiotiques jouant un rôle essentiel dans de nombreuses fonctions vitales, y compris la régulation de l’humeur et du comportement. Une pharmacologie pensée avec tes médicaments conçu à partir du microbiote pour traite de l’humeur et des pensées supérieures n’est plus aujourd’hui de l’ordre du rêve mais de l’industrie.

Le langage corporel humain n’est définitivement plus le langage d’un être humain dont le cerveau pilote le comportement consciemment. Regarder le corps renseigne autant et plus sur l’activité du cerveau qu’attendre que le cerveau donne ses ordres au corps. Le principe de l’Embodiment permet de penser ces deux principes conjointement.

1. Damasio, A. (2017)  L’ordre étrange des choses. La vie, les sentiments et la fabrique de la culture:. Editions Odile Jacob.
2. M. Feynman, « The principle of least action », Feynman lecture of physics, vol. 2, chap. 19, 2017.

 

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