La nécessaire émergence de l’inconscient

Le langage corporel  va pouvoir être considéré comme objet scientifique autonome et donc digne d’observation si deux conditions sont remplies :

– Premièrement, que l’attitude du corps soit liée à l’attitude de l’esprit. La reconnaissance d’un mouvement moniste de la science était nécessaire à ça. Il faudra vraiment attendre le XVIII ème siècle pour qu’affirmer le monisme de la pensée ne soit plus motif de débat judiciarisé.

– Seconde condition : Dans la mesure ou les micromouvements quotidiens produits inconsciemment ne sont pas immédiatement rationnellement explicables, ce qui est quasiment toujours le cas (croiser les bras sans raison identifiée,  se gratter le visage en l’absence de boutons, se pincer le nez en l’absence d’odeur, se passer la main dans les cheveux sans être décoiffé, …) il faut également que l’activité inconsciente de l’esprit  attenante à ces mouvements soit envisagée autrement que comme une attitude irrationnelle, autre manière de dire une marque de folie. Il faut donc que parallèlement la notion d’inconscient possiblement structurant, soit élaborée et retenue par les sciences.

L’inconscient apparait dans la littérature sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui par touche successives. Leibniz est le premier à employer l’adjectif « inconscient » (bien avant que le substantif « inconscient » apparaisse sous la plume de von Hartmann (1869)), sous la forme de perception non consciente. Ces “petites perceptions” n’ont pas la force qu’elles prendront avec le conatus spinoziste, mais elles permettront déjà d’identifier tranquillement le subliminal.

L’inconscient prendra davantage la forme moderne que nous lui connaissons avec Schopenhauer qui l’explore à travers la volonté de vivre, et c’est Nietzsche faisant de nombreux emprunts qu’il ne reconnait pas toujours à Schopenhauer qui donne à l’inconscient la possibilité de s’incarner dans un corps devenu sujet. Le chemin est pavé pour que l’inconscient lui-même devienne un concept opérationnel observable dans le corps.

Ces éléments liés à l’histoire des idées sont indispensables à comprendre pourquoi le langage corporel a mis tant de temps à apparaitre comme objet de recherche dans le champ des sciences : les conditions de sa mise en lumière n’étaient tout simplement pas réunies. Elles ne le seront pas avant la fin du XIXème siècle.

(1) Leibniz, Gottfried Wilhelm, (1765/1966) Nouveaux essais sur l’entendement humain. Paris: Garnier-Flammarion.

Terms & Conditions data-spy="scroll" data-target=".navbar" data-offset="50" data-top-offset="-70"