Le “langage” selon une définition consensuelle est : Tout système de signes permettant la communication. Et pour ce qui est de la communication : Communiquer c’est transmettre quelque chose à quelqu’un. Le langage permet donc la communication.
Curieusement si vous entrez maintenant dans une table des matières d’ouvrage de Sciences du langage (1), vous verrez que lorsque nous parlons de langage, il n’est en réalité question que de langage parlé. le langage c’est ce qui fait que nous prononçons des phrases. La définition du langage est d’emblée détournée pour les besoins de la communication humaine qui est faite de mots.
Le langage corporel, un langage à côté du langage
D’ailleurs à bien y réfléchir le langage corporel est un langage non-verbal, un peu comme s’il était un langage à côté du langage. Une mère dira à son enfant qui parle mal : “Change de langage !”. Elle ne lui dira pas changé de langage verbal !” Quand on parle de la parole on ne dit jamais que la personne utilise le langage verbal. Si elle parle, c’est le langage. Point.
Le rôle des métaphores
Lakoff et Johnson (1) après Nietzsche expliquent que pour exprimer les mots abstraits nous utilisons des métaphores. Elles rendent plus concrets ces mots. Parmi plusieurs grands types, la métaphore du conduit s’applique particulièrement au langage corporel. Selon cette métaphore, les idées et les pensées sont considérées comme des objets qui peuvent être “contenus” et “transférés” d’une personne à une autre, un peu comme si la communication était un conduit à travers lequel des objets passent. Le langage de l’un serait ainsi transmis à l’autre. Or la métaphore qui rend concrète une idée abstraite, masque en contrepartie une partie de la réalité. C’est le cas de la métaphore “langage corporel”. Elle masque une idée particulièrement importante et particulièrement masquée par la définition du langage non-verbal : Les signes corporels parmi les plus riches de sens ne relèvent pas du langage et encore moins de la communication.
Certains signes du langage corporels ne sont en réalité pas du langage
La métaphore “langage corporel” dit que le corps qui bouge, communique, transmet, partage. Mais cette construction mentale masque en permanence un état de fait : le corps bouge d’abord pour restaurer son équilibre homéostatique. Lorsque la personne regarde ses ongles machinalement, se gratte, prend une mèche de cheveux dans ses mains, renifle en absence de rhume, etc., elle gère inconsciemment un état interne. Elle fait d’ailleurs également ces gestes lorsqu’elle est toute seule. Ce n’est pas de la communication. Ils ne relèvent pas de l’ordre du langage. Regardez la vidéo au dessous :
©Ellen Tube
A la sixième seconde , l’acteur américain auquel on demande d’évoquer son mariage, semble enlever une pellicule ou un cheveu sur son pantalon. Or il n’a même pas regardé le pantalon en question. Ce mouvement violent de type homéostatique lui permet de rester lui, calme et centré sur sa réponse.
Ce mouvement ne relève ni du langage ni de la communication. Il est homéostatique. Il relèvera donc d’une autre gamme d’interprétations.
L’homéostasie correspond à une production corporelle qui ne relève pas du langage. Elle n’est pas simplement la justification scientifique de la corporéité non consciente la plus rigoureuse ou la meilleure, elle est la seule !
Des affects des émotions, pulsions, affects nous traversent en permanence. Des mouvements corporels inconscients nous permettent de réprimer ces affects pour rester bien centrés, concentrés sur nos interactions. Ces signes sont le cœur du travail synergologique. Ils révèlent en les régulant, les états qui nous traversent avec leurs pensées associées. Quatre critères de différentiation distinguent les signes langagiers des signes homéostatiques.
Éléments bibliographiques
1. Dortier, J. F. (2015). Les sciences humaines. Éditions Sciences Humaines.
2. Lakoff, G., Johnson, M (1985). Les métaphores dans la vie quotidienne. Trad, Editions de Minuit,