La linguistique cognitive que vont contribuer à définir Georges Lakoff, Mark Johnson, et Ronald Langacker nait d’une rupture avec le cognitivisme des grammaires génératives de Noam Chomsky et le connexionnisme de Jerry Fodor.
Selon le paradigme Chomsky-Fodor notre cerveau détient la capacité de retrouver la représentation d’un monde pré-déterminé. Pour en faire la preuve il s’agit surtout de retrouver sa logique de fonctionnement, c’est-à-dire les codes du langage enserrés sous la boite crânienne. Lakoff et Johnson s’opposent à ce présupposé d’une cognition apparaissant comme une forme de « prêt à penser » dont il s’agit de retrouver la logique. Leur perspective est anti-computationnelle. Nos processus cognitifs sont pour eux, métaphoriques. Le langage utilisant le même système conceptuel métaphorique que la pensée, il est le témoin « parlant » de cette structuration.
Notre nature corporelle impose une structure à notre expérience
Ainsi, l’expérience sensori-motrice est selon Lakoff et Johnson, l’élément déterminant de la formation des catégories linguistiques employées. Leur thèse est Nietzschéenne. L’être humain habite son corps. Son ancrage langagier est psycho-somatique. Le corps se trouve engagé dans un espace-temps perçu comme tel : « Notre nature corporelle et notre environnement physique et culturel imposent une structure à notre expérience” (1).
Cette dynamique implique une grande perméabilité aux percepts et aux affects qui vont devenir l’axe de métaphores structurantes. (Voir la vidéo ci-dessous). Ces notions sont une des origines de la cognition incarnée.
Le langage corporel va préciser la métaphore
Nos gestes vont soit définir ces métaphores, soit les amplifier, la personne parlant en s’accompagnant de ses bras dans l’espace. Le geste ne dit pas le mot, il dit la pensée. La personne emploie le mot et s’accompagne d’un geste qui parle de la métaphore qui l’a fait naitre. C’est le cas dans ce clip très court :
La main du journaliste monte très haut sur le mot “parlement”. Il n’emploie pas simplement le mot parlement, il exprime le fait que c’est important. (Le parlement ce sont les deux chambres réunies). Le journaliste semble n’employer qu’un mot, mais il met en avant, “l’importance”, “la grandeur”… Il aurait pu vouloir insister la longueur lourdeur du processus. La main ne serait jamais montée si haut si ça avait été le cas. Le geste aurait été plus bas et plus rond. En fait son esprit a employé ce mot en sélectionnant une dimension de ce mot au détriment d’autres possibles.
Les métaphores sont donc à la fois verbales et corporelles. Elles expriment la part de pensée incrémentée dans le mot.
Éléments bibliographiques
- Lakoff, G., & Johnson, M. (1985). Les métaphores dans la vie quotidienne, les Editions de Minuit. Paris, France. p.142