Marcel Jousse, hors des chemins battus

Marcel Jousse (1886-1961) est précurseur d’une science du geste. Bien avant que la science ne s’en empare, il avait imaginé la fonction miroir du cerveau et la cognition incarnée. Il décrit également avec “l’algébrose”, le rôle du déracinement de l’être humain sur la dynamique du geste. Des notions concrètes qui sont aujourd’hui mesurables.

 

L’être est par essence un “mimeur”

Marcel Jousse, envisage la parole comme une des instances parmi d’autres de la gestualité globale. Cette idée est très avant-gardiste. Langage pour lui n’est pas le synonyme de langage verbal.

Pour Jousse “

Il n’y a pas d’intelligence ni de connaissance, ni même de mémoire sans cette gestualisation, qu’elle soit de tout le corps (corporage) ou de la main (manualage) ou encore de l’appareil laryngo-buccal (langage)”.(1)

Et il ajoute qu’ il n’y a pas de connaissance du réel hors de ce qui se passe en nous. .

Dans ce contexte mental, l’être humain est un “mimeur” par essence. Il acquière une conscience véritable de lui-même dans ce qu’il appelle le « rejeu ». Ainsi, c’est en rejouant dès le stade bébé, les mouvements de l’autre, ses sons, ses gestes, que nous sommes entrés dans le monde . D’ailleurs « On ne comprend vraiment que ce que l’on rejoue » (2). L’idée de mimisme sera une des idées clés des neurosciences sociales, un siècle plus tard sous la forme du mimétisme.

Nous saisissons le monde extérieur et l’incorporant en nous en « l’intussusceptionnant ». L’intussusception est ce mécanisme par lequel nous pouvons faire coïncider les informations comprises par notre être avec les mouvements de l’environnement.

 

Le geste qui “s’incarne” peut aussi être “algébrosé”

Dans le modèle Joussien, notre corps transporte notre géographie, depuis le cosmos jusqu’au pays et à l’échelle locale. Dans ce cosmos, le corps est construit dans une logique de bilatéralité. Bilatéralisme haut-bas, devant-derrière, gauche-droite, qui rythment toutes nos actions. L’’être d’aujourd’hui est malheureusement « dépaysé », « dépaysanné », il pratique un langage qui a perdu ses racines, un langage désincarné, un langage algébrosé. Ce rythme du corps algébrosé,  des outils permettent aujourd’hui de le mesurer.

Marcel Jousse passionné par « le style oral » travaille toute sa vie à rendre visibles les liens étroits entre la parole et le geste, montrant à quel point le corps contribue à la mémorisation. Il est incontournable dans une réflexion sur le geste.

N’importe quelle science ou discipline curieuse d’approfondir le langage corporel a de près ou de loin une datte envers Marcel Jousse. Il était un formidable précurseur.

Éléments bibliographiques

(1) Jousse, M. (1974). L’anthropologie du geste, Paris: Gallimard.
(2) Id, p.962.

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