Spinoza et le conatus

La pensée de Spinoza (1632-1677) est formidablement novatrice dans sa compréhension du rapport corps-esprit. Il approfondit la thèse moniste  selon laquelle l’esprit et le corps forment un tout et offre un prolongement intellectuel à Démocrite, Leucippe, Épicure et Lucrèce

«Ce qui constitue avant tout l’essence de l’esprit est l’idée du corps existant en acte” » (1),

Il permet également avec le conatus de penser l’inconscient sous une forme moderne. Le conatus est ce moteur “conduisant l’être à persévérer dans son être”, selon les mots de l’Éthique. C’est-à-dire à survivre, se développer. Les passions sont fondamentales dans ce cadre. Car c’est à partir d’elles que la raison se fonde. Le ressort de ces passions est à la fois inconscient et raisonnable. Sa pensée est résolument moderne.

Les passions au cœur de la raison

La théorie du conatus prépare une théorie de l’inconscient sans lequel il n’est pas de Synergologie possible, car il rend possible l’accession à un statut moderne du langage du corps. Le conatus est ce désir qui conduit naturellement l’Homme vers ce qui lui paraît bon :

« Ce qui fonde l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir, ce n’est pas qu’on ait jugé qu’une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu’une chose est bonne par cela même qu’on y tend par l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir. » (2).

La conscience n’est plus, comme chez le père du cogito, Descartes, l’expression de la volonté;  mais elle est motivée par les passions que l’être humain ne fera que rationaliser après-coup. Sa théorie est un/le précurseur de l’inconscient.

 

Une légitimation neurologique

Il prépare dès le XVII ème siècle des observations neurologiques faites dans les années 2000 à savoir que l’être humain n’est pas conscient-logique-rationnel, mais qu’il ne fait que légitimer, de manière consciente-logique-rationnelle, ses choix inconscients de départ et ces choix inconscients de départ sont nés dans le corps. Nos passions font savoir à notre conscient, ce que ressent notre organisme.

Son rapport corps-esprit est une référence généalogique de l’embodiment, et et par sa conception du conatus il prédispose à penser l’existence de l’inconscient. Son actualité et sa justesse sont mises en lumière par Antonio Damasio (3) qui tisse un pont explicite entre la philosophie de Spinoza et les neurosciences, en réunifiant dans une logique moniste à partir du corps, émotions et raison.

 

Éléments bibliographiques

(1) Spinoza, B. (1670/1977). Prop 2 in  Ethique, J. Vrin.
(1) Op cit. Éthique III, Prop. 9, scolie.
(3) Damasio, A. R. (2003). Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions (Vol. 318). Paris.

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