La kinésique face aux pièges du langage

Une tentative a bien eu lieu pour construire une science du langage corporel dans les années 1950 : l’approche kinésique fondée par un linguiste, Ray Birdwhistell.  Il envisage la  nonverbal communication à partir de micro-mouvements, avec un vocabulaire calqué sur la linguistique. Il crée les kinèmes ou de kinémorphèmes , prolongeant sur le corps, monèmes et morphèmes des linguistes

 

Définition et remarque sur la définition de la kinésique

Birdwhistell  définit ainsi la kinésique : « L’étude des mouvements du corps en relation avec les aspects non verbaux de la communication interpersonnelle“.  Cette définition soulève une question : Quel est le critère permettant de savoir qu’un mouvement corporel est en lien avec la communication ? Le postulat implicite, jamais énoncé,  voudra que  lorsqu’une personne bouge, tous ses mouvements soient liés à la communication interpersonnelle.  Or comme nous l’avons vu la corporéité ne relève pas toujours du langage non verbal.

Pour lui le nonverbal renforce le verbal. Malheureusement cela exclut de la réflexion  l’idée que la corporéité ne relève pas du toujours du langage. Et ensuite, même lorsqu’elle relève du langage, il oublie d’introduire le fait que la personne qui parle peut aussi penser à autre chose qu’à ce qu’elle dit. Dans ce dernier cas,  le langage corporel n’est plus synchronisé avec le langage verbal. Et l’analyse est également  faussée…

 

Les gestes ne sont pas directement en lien avec les mots.

Ray Birdwhistell, pensait avoir crée cette science du non-verbal, mais au soir de sa  vie il finit par conclure à l’échec de sa démarche. Pour lui, on ne peut finalement pas croiser les mots et les signes corporels…. Et il avait raison. Son erreur est d’avoir  fait sienne cette croyance logique que le non verbal était relié au verbal. Qu’il était un langage anaphorique, un langage amplifiant le verbal pour en renforcer le sens. Ce postulat l’a empêché de voir que le langage corporel exprime en réalité aussi le mouvement de la pensée.

 

Du côté de la neurologie

Un regard sur les données neurologiques aurait apporté à Ray Birdwhistell des éléments de réflexion complémentaires. Par exemple, une personne aphasique de type Werniecke qui ne comprend plus le langage verbal, continue à penser. Ce que l’on appelle “la pensée sans langage” (2).  Plusieurs exemples d’aphasiques célèbres ont témoigné du fait que privées de langage elles continuaient à penser,  avec un corps vivant, actif. Et que dire de ces situations dans lesquelles nous sommes seuls, car même si nous sommes silencieux notre corps vit et parle selon une grammaire corporelle  à déchiffrer.

En fait, l’erreur théorique de la kinésique est d’avoir exclu la pensée.  Regardez la vidéo ci-dessous :

 

Georges Lukas, le réalisateur américain place systématiquement ce qui relève du “bien ” dans un plan de l’espace et le “mal” de l’autre côté.

Le réalisateur n’a pas réfléchi à ça, mais les mots qu’il emploie sont chargés de ses affects. Le corps place dans l’espace systématiquement d’un côté ce qu’il aime et de l’autre ce qu’il aime moins. Le cerveau crée des catégories dans l’espace.   Le choix inconscient des mains qui placent le “bien” et le “mal” à droite et à gauche traduit ce rôle de la pensée dans la structuration du discours. C’est ainsi, les affects sont structurants et nous sommes bien davantage dans la pensée que dans le langage. évidemment le recours à la neurologie permet de comprendre ce phénomène, traduit par la corporéité.

 

Éléments bibliographiques

(1) Cité par Winkin, Y La nouvelle communication, Ed Seuil, 1981
(2) Laplane, D. (1997). La pensée d’outre-mots: la pensée sans langage et la relation pensée-langage. Coll, Sanofi Synthé-labo./span>

data-spy="scroll" data-target=".navbar" data-offset="50" data-top-offset="-70"