S’être emparé de l’embodiment des neurosciences

L’irruption des neurosciences dans la vie intellectuelle conduit à repenser en profondeur le champ de la connaissance.  L’observation neuronale renverse le rapport du corps au cerveau, si bien qu’il devient nécessaire de concevoir la place du cerveau dans le corps même. La place du corps dans le cerveau. Le consensus se fait tranquillement dans la littérature autour  d’un “deuxième cerveau” (1), le cerveau entérique. Le corps prépare le cerveau à penser et ces interactions s’organisent visuellement dans l’espace de la corporéité.

Une expérience amusante illustre bien ce lien entre le corps et l’esprit : Dans cette étude des personnes regardent un dessin animé, un crayon placé horizontalement entre les dents et le trouvent plus drôle que d’autres le regardant sans crayon dans la bouche. Le crayon entraine l’activation des muscles zygomatiques dans les mêmes conditions que lors du rire, et l’action du corps modifie à son insu l’humeur du cerveau(1). Le corps à une mémoire du déplacement des muscles mise en lien avec certains états d’esprit et cette mémoire est utilisée à notre insu.

Dans ce contexte un concept-valise apparaît, l’embodiment construit par un mouvement touchant aussi bien les psys, que les linguistes, les neuropsys que les sociologues et traduisant une véritable rupture quasi générationnelle, selon que les chercheurs connaissent, travaillent, théorisent démontrent et utilisent ou non, ce concept. L’in-corps-poration ou embodiment correspond à l’hypothèse enfin démontrable que dans l’espace corps-esprit (conçu comme  un treillis d’interactions) les expériences et les sensations corporelles jouent le rôle d’influenceuses de la pensée et du comportement.

Cette façon nouvelle d’envisager les mouvements corporels oblige aujourd’hui toutes les sciences humaines à commencer à envisager à faire dialoguer activement leurs sémiologies avec les neurosciences. La pluridisciplinarité ne peut plus simplement être invoquée.

 

(1) Gershon, M.D. (2017). The second brain: The scientific basis of gut instinct and a groundbreaking new understanding of nervous disorders of the stomach and intestine. New York, NY: Harper Collins

(2) F. Strack, L. L. Martin et S. Stepper, « Inhibiting and facilitating conditions of the human smile : a nonobtrusive test  of the facial feedback hypothesis », Journal of personality and social psychology, vol. 54, no 5, 1988, p. 768.

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