Le langage corporel est souvent présenté comme un langage « co-verbal », un langage qui accompagne la parole. Or c’est sa part la plus pauvre. Le langage corporel n’accompagne pas le langage verbal, il est une voie d’expression de la pensée.
Le rapport pensée-langage, du côté de la neurologie
Qu’est-ce que dit la science du rapport de la pensée à la parole? Lordat, un aphasiologue c’est-à-dire un spécialiste des questions pensée-langage fut lui même atteint d’une aphasie transitoire*. Une de ces atteintes cérébrales dans lesquelles le patient ne peut dans certains cas ni parler ni même comprendre le langage verbal. Une fois remis, (quelle chance pour la science !) il décrivit son rapport aux mots et à la pensée : “La pensée était toute prête, mais les sons qui devaient la confier à l’intermédiaire n’étaient plus à ma disposition […] Il fallut donc bien apprendre que l’exercice interne de la pensée pouvait se passer de mots“.(C’est nous qui soulignons)
Alexander (1990), le philosophe atteint des mêmes troubles raconte : « J’avais la compréhension du monde, de moi-même et des relations sociales, sans rien savoir en fait ni de la grammaire, ni du vocabulaire que j’avais utilisés toute ma vie. Jusqu’à ma guérison, je ne cessais de me servir de concepts » (1)
Le corps : un panorama de la couleur de nos affects, pensées, relations
Des millions d’aphasiques dans le monde ont perdu l’usage du langage verbal mais pas de leur langage corporel. Leur corps qui n’est pas catatonique, fait chaque jour la preuve que le langage corporel n’est pas en lien direct avec la parole.
Le corps offre un panorama de la couleur de nos affects, pensées, émotions et parle de l’état de nos relations. Vouloir croiser la corporéité avec le verbal, sous prétexte de l’existence de l’expression “non-verbal” est une erreur de raisonnement. Un problème de cible. Cette faute a ruiné bien des perspectives théoriques, celle de la kinésique par exemple. Le langage corporel peut être pré-verbal, co-verbal, post-verbal, quasi-verbal mais il est le plus souvent averbal.
(*) On parle d’aphasie quand un individu a perdu totalement ou partiellement la capacité de communiquer, c’est-à-dire de parler ou de comprendre ce qu’on lui dit.
Éléments bibliographiques
(1) Alexander cité par Laplane in Laplane, D. (1997). La Pensée d’outre-mots. La pensée sans langage et la relation Pensée-langage. Le Plessis-Robinson